Le métier à la tire

Petite histoire des métiers à la tire

Lorsqu’il parvint à Fès depuis l’Andalousie, le métier à la tire avait déjà une longue histoire. On sait peu de choses quant à la date et au lieu de naissance précis de cette invention géniale et décisive, dont J.F. Flanagan compara l’importance à celle de l’invention de la presse dans le développement de l’art de l’imprimerie. Il semble qu’elle prît place au Moyen-Orient, vraisemblablement en Syrie, avant le 7ème siècle. Au fil du temps, la technique très sophistiquée du métier à la tire se propagea amplement, jusques et y compris en Extrême-Orient et à la pointe occidentale du Vieux Monde.

Durant des siècles, d’un bout à l’autre de l’Eurasie, les métiers à la tire ont permis la réalisation des étoffes les plus raffinées, jusqu’à leur disparition brutale en raison du succès de leur rejeton mécanisé, le métier dit Jacquard. Si bien qu’aujourd’hui, un métier à la tire est une véritable rareté. A Fès, l’étiolement progressif de la production des métiers à la tire, au fil du XXème siècle, s’est accompagné d’une perte des savoirs et savoir-faire afférents. C’est ainsi que, pendant des décennies, personne n’a plus possédé à Fès le savoir théorique quant au fonctionnement de ces métiers à tisser très complexes. Certes, quelques vieux tisseurs et tireurs demeurèrent, voire, pour quelques-uns, demeurent encore capables de les faire fonctionner, mais la connaissance théorique de leur fonctionnement sombra, ainsi que les secrets de la création de nouveaux motifs. C’est à l’acquisition de cette maîtrise perdue de tous que Sy Hassan a consacré sa vie.

La programmation du décor

En dépit des aménagements qui leur furent apportés dans leurs différents pays d’adoption, tous les métiers à la tire manuels se conforment au même schéma fondamental. Ils sont dotés d’impressionnants dispositifs de création du décor qui permettent la répétition de motifs au moyen de systèmes de levée des fils de chaîne selon une sélection préalablement établie. Dans les métiers à la tire de type arabo-andalou, cette sélection est opérée grâce à de petites cordelettes (lacs) qui forment des boucles le long d’un faisceau de cordes tendues (le semple), cordes qui sont elles-mêmes reliées à un imposant ensemble de lisses de décor. Les cordes et les lacs sont actionnés hors de l’armature du métier par un tireur de lacs assis sur le côté.